La décision est connue de tous : on interdit aux élèves ayant atteinte l’âge de 25 ans d’être candidat au baccalauréat tchadien ! Pour nous qui connaissons, de près, l’école tchadienne, une telle décision est difficile à justifier ; même intellectuellement ou scientifiquement, pour ne pas dire pédagogiquement. Au contraire, cela vient remettre en cause la politique d’accès à l’éducation pour tous, dans un pays où les taux d’analphabétisme des jeunes et adultes et les taux d’abandon de l’école au primaire ne font qu’augmenter
Peut-on dire que l’école tchadienne fonctionne correctement et que les élèves ont suffisamment de temps pour terminer leur cycle secondaire avant 25 ans ? A-t-on le droit de se plaindre dans ce pays du cas de ceux qui voudraient continuer à faire des études même s’ils ont un âge avancé ? La limitation d’âge pourrait se justifier si l’Etat prenait en charge financièrement et systématiquement la formation des étudiants après l’obtention du baccalauréat. Mais ce n’est pas le cas. Aussi, une étude sur l’apprentissage et l’éducation des adultes au secondaire devrait être menée avant de prendre une telle décision
Sur le plan psychologique et pédagogique, il faut reconnaître que la capacité d’apprendre et de réussir à l’école ne se limite pas à un certain âge. Des adultes peuvent poursuivre des études à tout moment de leur vie. De nombreuses personnalités, dans le monde, ont réussi tardivement leur baccalauréat avant de poursuivre des études universitaires. Le célèbre acteur américain Samuel Jackson par exemple, n’a obtenu son baccalauréat à 41 ans avant de s’engager dans le cinéma. Le militant altermondialiste et homme politique français, José Bové, a obtenu son baccalauréat à 28 ans. Ce sont des cas parmi tant d’autres qui illustrent que la réussite à l’école n’est pas question d’âge. Surtout dans un système éducatif qui semble être d’ailleurs à l’origine du retard des apprenants. Ne sait-on pas que l’école est un élément essentiel du développement d’un pays, et de surcroît un droit universel
On peut réussir à l’école malgré notre âge
Nous connaissons aussi des personnalités tchadiennes et d’ailleurs qui ont poursuivi des études doctorales à un âge avancé. Certains exercent à l’Université de N’Djaména. En France, Simone Veil a poursuivi ses études doctorales à un âge avancé. C’est à 51 ans qu’elle a obtenu son doctorat en droit. Cette femme politique française et ancienne présidente du parlement européen a joué un grand rôle dans son pays. Elle a été successivement Membre du Conseil constitutionnel, ministre d’Etat, ministre des affaires sociales, etc. Magistrate et écrivaine, elle a même siégé à l’Académie française. Simone Veil après sa mort à l’âge de 89 ans, est entrée au Panthéon en juillet 2018
Ces exemples montrent que l’achèvement de son cycle secondaire à un âge avancé (25 ans) est possible et peut être accompli avec succès si l’Etat offre des opportunités aux jeunes (adultes) apprenants qui désirent continuer des études
Une question se pose : dans le contexte actuel, en refusant aux élèves âgés de composer le Bac tchadien, que leur propose-t-on ? C’est un crime de vouloir dire que l’âge est un handicap pour les études. L’établissement d’une limite d’âge est simplement une erreur, une injustice à l’égard des fils des paysans qui ont évolué, durant leur scolarité, en dent de scie pour des raisons purement sociales et financières
Déli Sainzoumi Nestor