Dans cet entretien, Khalil Mahamat Djibrine, président du Parti du Peuple pour le Changement (PPC) n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer la gestion du pays notamment la situation sociopolitique actuelle, la transition, les évènements du 20 octobre 2022.
Bonjour monsieur le président, dites-nous, comment se porte le parti PPC ?
Khalil Mahamat Djibrine : Le PPC se porte bien. C’est un parti créé en 2006. Nous étions le premier parti jeune dans le bloc de l’opposition. Nous avons gardé l’élan dans la tutte politique jusqu’à ce jour. La principale raison qui nous a conduit à créer le PPC est que le peuple a vécu un temps et n’a pas vu un changement. Nous avons cru au discours du Colonel Idriss Déby à l’époque. Qu’il a lutté pour le peuple, qu’il n’a apporté ni or, ni argent mais c’est la liberté. Mais, 10 ans après la première élection, nous avons analysé la situation et nous avons trouvé que ce qui est prétendu n’est pas réalisé. Parmi tant de choses, nous avons vu que les droits de l’homme sont bafoués, le pays n’est pas développé.
Voilà ce qui nous a conduits à la création du Parti du peuple pour le changement (PPC) pour un changement positif afin de permettre au Tchad de décoller et d’entrer dans le concert des grandes nations de démocratie et de la liberté pour que chaque Tchadien ait une place dans la société. Le Tchadien ne doit pas être inquiété par ses prises de position. Tout ce que nous voulons pour la nation tchadienne, c’est une vraie démocratie.
Monsieur le président, quelle analyse faites-vous de la situation sociopolitique actuelle ?
Khalil Mahamat Djibrine : Sur le plan politique, le Tchad d’aujourd’hui est en panne. Les partis politiques existent mais ne vivent pas. Il faut laisser les militants adhérer aux partis de leurs choix. On impose les com-zones, les CB, les CC, les ST, l’ANS partout pour suivre les gens. Si un Tchadien adhère à un parti qui n’est pas du MPS ou de la majorité, c’est comme il a commis un péché. Il est traqué ; il est dérangé.
Souvent des Tchadiens quittent leurs villages, préfectures, sous-préfectures à cause de leur adhésion à un parti de l’opposition. C’est comme le Tchad n’est pas un pays de démocratie.Tu as une autorisation de fonctionner mais quand tu veux faire un meeting, on te dit non tant qu’il n’y a pas une autorisation du ministère de l’administration du territoire, tu ne peux pas tenir ton meeting. Pas de marche pacifique, pas de sit-in. La radio nationale et la télévision nationale ne relaient pas nos activités. C’est pourquoi, je dis que politiquement, le Tchad est en panne.
Les conflits communautaires et fonciers ont existé mais, le Tchad n’a pas perdu tant de ses fils au cours de ces conflits depuis son indépendance comme en 2022. C’est comme si la transition est un temps maudit pour le Tchad. Le nombre des morts est beaucoup. L’on se demande où est la responsabilité de l’Etat ?
Les tchadiens meurent et de l’autre côté, les autorités discutent des futilités.Le Tchad d’aujourd’hui est séquencé en plusieurs conflits. Peut-être que l’année 2023 va apporter la paix, la sécurité sinon le Tchad ne va pas amorcer son développement.
Quel bilan peut-on faire de l’année 2022 ?
Khalil Mahamat Djibrine : L’année 2022, nous a donnés beaucoup de leçon. Première leçon, le scandale de Sandana ; deuxième leçon, le scandale d’Abéché ; troisième leçon, le scandale de Kyabé ; 4ème leçon, le scandale de Mangalmé ; 5ème leçon, le scandale de la ville de N’Djaména et de Moundou. Avant cela, nous avons cru qu’il y aura une réconciliation nationale et qu’il y aura une paix durable parce que le gouvernement a pris un engagement solennel pour réconcilier les Tchadiens. Pendant 5 mois, la capitale Qatari, Doha a pu convaincre quelques politico-militaires de prendre part au dialogue national inclusif et souverain. Nous avons eu la chance de prendre part à ce DNIS et avions l’espoir de que le Tchad vivra dans la paix.
Malheureusement, la Tchad n’a avancé d’un iota. Chaque jour, l’on entend qu’un Tchadien est assassiné dans tel coin de la rue, dans tel coin, il y a une insécurité galopante, il y a l’injustice. C’est pour dire que l’année 2022 est une année douloureuse pour le peuple tchadien.
A l’issue du DNIS, un mandat de 2 ans est accordé à Mahamat Idriss Déby Itno pour assurer la transition. En tant qu’homme politique, quelle est votre appréciation ?
Khalil Mahamat Djibrine : C’est injuste parce qu’après la mort du Maréchal IDI, les généraux se sont accaparés du pouvoir en disant qu’ils sont là pour la sécurité. Qu’ils ne sont pas là pour prendre le pouvoir et le garder. Ils ont bien dessiné leur temps : 18 mois renouvelable une fois avec une charte.
Souvenez-vous, le DNIS n’est pas terminé et le 5 octobre 2022, le président du présidium Gali Ngothé Gata a déclaré qu’il faut laisser à l’actuel ministre Limane de faire la synthèse. Habituellement, après la synthèse, nous allons discuter pour entériner ce qui est fait comme synthèse.
Malheureusement, après la lecture de la synthèse du rapporteur général Limane Mahamat, le président Gali a clos le DNIS.Avant d’accorder les 24 mois, nous devrions réviser l’article qui renouvelle la transition. Mais la charte et précisément cet article n’a pas été révisé. Ils ont travaillé dans la soirée en catimini pour accorder 24 mois à la transition et ce sont eux qui sont aujourd’hui dans le comité de suivi de l’application des recommandations du DNIS.
Evénement du 20 octobre 2022. Arrestations, enlèvements, déportations et procès des prévenus. Votre commentaire.
Khalil Mahamat Djibrine : Nous sommes au 21ème siècle, nous sommes une nation puis à l’heure où nous parlons, tout monde parle de la démocratie et des libertés. Donc, le Tchadien a le droit d’exprimer son opinion. Si nous analysons ce qui est passé, nous le classons dans le registre de crime contre l’humanité. Il n’y a pas une loi qui permet à quelqu’un d’ôter la vie d’un autre. Il n’y a pas une loi qui dit : « j’ai le droit et tu as le devoir ». Ce qui s’est passé le 20 octobre est un crime. Et comme tel, nous exigeons que les auteurs, les commanditaires répondent de leurs actes.
Entretien réalisé par Baoukoula Bienvenu